Culture

Rouiched, légende du cinéma algérien


Connaissez-vous Ahmed Ayad, icône incontournable du théâtre et du cinéma algérien, plus connu sous le nom de Rouiched ? Derrière ce pseudonyme se cache un parcours exceptionnel, celui d’un enfant de la Casbah devenu l’un des visages les plus aimés du pays. Retour sur la vie d’un artiste qui a su faire rire, émouvoir et marquer des générations entières.

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Des rues de la Casbah à la scène

Né dans la célèbre Casbah d’Alger au sein d’une famille kabyle originaire d’Azeffoun, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, le jeune Ahmed Ayad grandit dans un environnement modeste. Très tôt, il enchaîne les petits boulots notamment comme vendeur de journaux sans se douter qu’il deviendra un jour une légende nationale.

Entre deux cris dans les ruelles animées d’Alger, son talent naturel pour le jeu et la comédie attire l’attention. C’est Mahboub Stambouli, figure du théâtre algérien, qui le remarque et le guide vers les planches. L’enfant devient alors « Rouiched », un surnom affectueux inspiré de son mentor Rachid Ksentini.

Une ascension fulgurante

En 1942, Rouiched rejoint la troupe de Mahieddine Bachtarzi. Autodidacte, il apprend vite et brille sur scène. Dans l’Algérie encore coloniale, son humour devient un outil de résistance, une manière de dénoncer les injustices avec finesse et ironie. Derrière le rire, il y a une lucidité mordante. Il devient rapidement une voix des sans-voix, un miroir critique mais tendre de la société.

Certains le comparent à Charlie Chaplin, mais Rouiched a sa propre sensibilité : celle d’un peuple blessé, mais jamais brisé.

La guerre de libération nationale interrompt sa trajectoire. Pour son engagement militant, Rouiched est incarcéré pendant deux ans et demi à la prison de Serkadji. Cette épreuve douloureuse laissera une trace indélébile dans sa vie, mais aussi dans son art, qu’elle viendra nourrir de profondeur.

Le cinéma, un nouveau souffle

C’est en 1966 que Rouiched fait ses premiers pas au cinéma dans « La Bataille d’Alger », où il apparaît brièvement. Mais c’est l’année suivante que tout bascule avec « Hassan Terro ». Le film, qu’il co-écrit, devient un véritable phénomène national.

Le personnage de Hassan Terro Algérien ordinaire, peureux mais attachant, plongé malgré lui dans les turbulences de l’histoire séduit instantanément. Inspiré de ses souvenirs de prison et de la vie quotidienne, Rouiched y injecte une vérité et une humanité bouleversantes. Il fait rire, mais sans jamais trahir la réalité.

Rouiched

Une légende populaire

Le succès de Hassan Terro ouvre la voie à une série de films devenus cultes : « Hassan Taxi », « Hassan Niya », « L’Évasion de Hassan Terro »… Chaque nouvelle aventure fait mouche, renforçant le lien entre Rouiched et le public.

Mais l’artiste ne s’arrête pas là. Il brille également au théâtre notamment avec la pièce « El Ghoula », à la radio avec des programmes comme « Tlata Izehwaniyen », et même dans la chanson.

Rouiched
Rouiched

Loin de se cantonner à la comédie, Rouiched révèle aussi une profondeur dramatique. Dans « L’Opium et le Bâton », il montre une facette plus sombre, plus grave. Il excelle dans tous les registres : la mélancolie, la nostalgie, l’espoir. Un acteur complet, un artiste total.

Rouiched

Une mémoire vivante

Le 28 janvier 1999, Rouiched s’éteint. Mais son rire, sa voix, ses répliques, ses mimiques continuent de résonner dans les foyers algériens. Il est entré dans l’imaginaire collectif, devenant un symbole intemporel de l’Algérie.

En 2017, il est décoré à titre posthume, hommage mérité à un homme dont l’œuvre a traversé les époques. Son fils, Mustapha Ayad, perpétue aujourd’hui son héritage.

Rouiched, ce n’est pas qu’un nom. C’est une époque, une identité, une mémoire vivante. À travers lui, c’est l’âme d’un peuple qui s’est exprimée, entre larmes et éclats de rire. Son génie ? Avoir su faire rire sans jamais renoncer à dire la vérité. Et c’est sans doute pour cela qu’il restera, pour toujours, l’un des plus grands artistes de l’histoire algérienne.